mercredi 1 avril 2009

ferme collective de la bourdinière

Voilà un exemple de ferme collective de 4 associés en GAEC qui ont choisi de recréer une ferme globale:

Situé dans le parc naturel du Perche, le GAEC de la Corbionne est ce que l'on appelle un collectif agricole au sens fort du terme. Les quatre associés se sont installés en 2007 sur une petite ferme abandonnée de 45 ha, avec un projet ambitieux: réussir à mettre en place un projet de vie autour de l'autonomie et de l'ouverture aux autres.

L'histoire a débuté en 2004 et c'est déjà autour d'un projet d'installation agricole que les quatre amis s'étaient rencontrés. Il s'agissait, sur une ferme d'élevage, de s'associer avec le couple propriétaire pour développer d'autres ateliers (maraîchage, paysan boulanger, ferme auberge...) et ainsi enclencher une dynamique de gestion collective du lieu.

Christophe Bouyneau, 33 ans, raconte le projet: « Nous venions tous d'horizons différents mais avec cette même envie de construire quelque chose de cohérent ensemble, de porter un projet commun. Pour ma part, après un BPREA en alternance qui m'a fait découvrir l'agriculture j'avais envie de monter un collectif. J'ai pris du temps pour travailler sur différents systèmes et souvent les agriculteurs me proposaient de rester pour m'associer avec eux, mais je voulais démarrer une dynamique plutôt que simplement reprendre une ferme, je voulais un collectif choisi et non imposé par la circonstance. Avec ça j'ai failli m'installer tout seul en Ardèche, faute de personnes motivées pour un projet commun, et puis j'ai réalisé que ça ne me correspondait pas et je suis revenu en Sarthe où j'ai rencontré un couple d'agriculteurs qui voulaient ouvrir leur ferme à d'autres personnes ».

Deux candidats à l'installation en paysans boulangers rejoignent le projet, ainsi qu'un maraîcher et Laurent (29 ans), le frère de Christophe, séduit par la philosophie du collectif: « J'ai un BAC pro en cuisine et à l'époque je travaillais en pâtisserie, je n'avais pas de formation agricole et jamais envisagé une installation, mais je me suis retrouvé dans les objectifs du collectif, dans la solidarité très forte entre les personnes. Alors j'ai appris la transformation laitière chez des amis et j'ai réfléchi à un projet de ferme auberge », explique Laurent. Frédéric Meilliand, 29 ans, a suivi le même raisonnement. Il en avait assez de son travail en boulangerie et la rencontre avec les propriétaires de la ferme lui ouvre de nouvelles perspectives. Il rejoint donc le projet pour développer un atelier de paysan boulanger avec une autre personne.

Le cinquième porteur de projet est Cédric Godbert, 34 ans. Il a déjà exercé le métier en temps que responsable d'un jardin pour un grand restaurant et il nourrit depuis longtemps la volonté de monter un collectif agricole.

Il est prévu de constituer une SCI avec les propriétaires de manière à assurer la propriété collective du lieu. Une personne extérieure accompagne le groupe au niveau du relationnel, pour permettre aux futurs associés de créer une vraie relation entre eux. « C'est quasiment la veille de la signature de la SCI que la femme du couple propriétaire s'est rétractée, tout le projet est tombé à l'eau», confie Cédric.

Les cinq amis se retrouvent sans ferme où s'installer, il décident donc de rechercher un nouveau lieu. « C'est durant ces recherches que le deuxième paysan boulanger a quitté le groupe pour une installation individuelle, on se rendait compte que nos motivations étaient différentes, il voulait une installation collective pour partager un outil de travail, nous, nous recherchions à partager un projet de vie », explique Laurent. La recherche d'une ferme a duré près de deux ans, avec des dizaines de lieux visités, mais les exigences du collectif sont fortes: « il fallait un lieu où chacun d'entre nous se sentait bien, avec un environnement préservé, et une petite ferme non spécialisée, sans gros bâtiments sur laquelle nous pouvions développer nos ateliers. Nos capacités financières étaient très limitées » explique Cédric.

Finalement la perle rare est dénichée près de Moutiers au Perche. Une ferme abandonnée depuis plusieurs années avec 45 ha de terres à vendre sur lesquels il n'y avait aucun quota, et dont personne ne veut. Les quatre associés montent une SCI pour acheter la ferme et cinq hectares de terre, pour un montant total de 200 000 euros. « A quatre, nous avons un emprunt de 50 000 euros chacun pour notre installation, ce qui fait que le risque est très limité » explique Frédéric. Tous les associés sont pleinement conscients de l'avantage de mutualiser l'outil de production, « ça permet des économies d'échelle à tous les niveaux » confie Cédric, « on a un tracteur pour quatre mais aussi une seule machine à laver, le collectif fonctionne dans tous les aspects de la vie quotidienne ». Un particulier rejoint la SCI en achetant les quarante hectares restant et en proposant un bail à long terme au collectif.

Le choix du statut est délicat. D'abord tenté par une Société Coopérative de Production (SCOP) le collectif décide finalement de constitué un Groupement Agricole d'Exploitation en Commun (GAEC). « Le statut de la SCOP nous intéressait pour son côté solidaire » explique Cédric, « mais comme il existe très peu d'exemples de SCOP agricoles en France nous nous sommes heurtés à des difficultés de compréhension pour les accompagnateurs de notre installation. Comme notre projet était déjà considéré comme peu commun, nous avons préféré opter pour un GAEC qui finalement offre la possibilité de rédiger des statuts très coopératifs ».

Le collectif a choisi de s'installer sans les aides publiques à l'installation, parce que l'énergie à donner pour les formalités est très importante (les associés préféraient l'investir sur la ferme) et aussi pour montrer que certains systèmes agricoles permettent d'être autonome.

Chaque associé est référent d'un atelier principal: Cédric s'occupe du maraîchage, il utilise les associations de plantes et les purins pour dynamiser son jardin, le nombre de variétés pour chaque légume est souvent importante, voire époustouflante comme pour les tomates dont Cédric en conserve une partie pour produire des semences pour l'association Kokopelli.
Frédéric réalise 200 kg de pain par semaine. Pour l'instant il achète à un agriculteur biologique voisin le blé qu'il mout en farine à la ferme, mais 2 ha de terres labourables sont semés en variétés anciennes de blé depuis cette année. Malheureusement, la surface assolable de la ferme (10 ha) ne permettra pas de produire tout le blé nécessaire à une année de boulange.
Christophe gère le troupeau de dix vaches laitières (races rustiques: 8 jersiaises et 2 pies noires). La rusticité des vaches leur permet de reconquérir les terrains en friche et de s'adapter aux prairies humides, en contre partie elle ne produisent que 2500 litre par lactation, mais c'est un lait très riche, idéal pour la transformation. Dans l'avenir il va progressivement remplacer toutes les jersiaises par des pies noires, race qu'il juge plus rustique car la jersiaise a été beaucoup travaillée par les sélectionneurs pour être plus productive ce qui lui a fait perdre de sa résistance.
Laurent s'occupe de la transformation intégrale du lait en fromage, crème, fromage blanc et beurre. Un atelier de transformation est en cours d'aménagement dans une ancienne grange, le collectif fait en sorte de respecter l'architecture du bâtiment et utilise des matériaux écologiques. Le système de chauffage de l'eau se fera par panneaux solaires. D'autres productions sont présentes sur la ferme, comme le miel géré par Cédric, certaines sont sous la responsabilité collective c'est à dire que chaque associé s'en occupe une matinée par semaine (volailles et cochons).

Le fil conducteur du choix des productions a été la volonté d'autonomie alimentaire, ce qui fait que les associés sont capables de produire sur la ferme la quasi totalité de leurs aliments, et la cohérence agronomique: recréer un écosystème agricole qui fonctionne sans apports extérieurs. La réflexion touche également les énergies avec l'utilisation de la traction animal: cheval de trait pour le labour et l'âne pour le désherbage. Toutes les productions sont conduites en respect du cahier des charges de l'agriculture biologique, même si le collectif n'a pas encore entrepris la démarche de certification. « On voulait faire une pause avec la paperasse » explique Laurent, « et puis comme on commercialise en direct les gens savent comment on travail, mais on compte prendre une certification, sûrement Nature et Progrès, par militantisme ».

Le collectif a pour volonté de s'ancrer dans son territoire. Toute les productions sont vendues en direct via des AMAP ou des collectifs d'achat et un marché à la ferme le vendredi soir. « Nous sommes fier d'avoir montré qu'il était possible de vendre en direct même dans une zone très rurale avec le marché à la ferme qui augmentent progressivement. C'est vrai que la complémentarité des produits que l'on propose nous rend attractif, les gens viennent réellement faire leur marché » explique Laurent. L'intégration dans le tissu local a été facilitée par le fait de reprendre une ferme et des terres que personne ne convoitait (car aucun quota et aucune prime liée aux terres), ainsi la relation avec les voisins agriculteurs est bonne.

Un autre avantage du collectif réside dans la livraison des produits aux AMAP. Seulement deux personnes par semaine se répartissent la livraison des quatre points de dépôt, en emportant les produits de tous les ateliers. L'entraide est très forte. Frédéric résume : « Chacun organise son atelier pour pouvoir le gérer seul, comme il l'entend, du moment que ça n'handicape pas le collectif. Ensuite chacun est attentif à ce que les autres ateliers fonctionne bien, si quelqu'un a un problème ou besoin d'aide pour un travail, on y va. Après ça on peut prendre du temps pour soi ».
Mais le collectif permet une solidarité qui rend très souple les emplois du temps de chacun. Ainsi, Frédéric consacre un après midi par semaine à sa fille, avec l'accord de tous les associés. Christophe a été obligé de s'absenter un mois et demi pour rester près de sa compagne avant l'accouchement et le collectif a naturellement pris en charge sa part de travail. « On sait que si on a un problème ou juste besoin de temps, le collectif nous permet de nous extraire sans que tout s'arrête, l'objectif le plus important étant que chacun se sente bien » précise Christophe. Et puis être à quatre permet d'avoir trois fins de semaines libres sur quatre. Un après midi par semaine est consacré à des discussions collectives, concernant le fonctionnement des ateliers et le ressenti de chacun. Les associés sont très vigilants à ne pas relâcher l'attention sur les relations humaines, qui est à la fois la force et le talon D'Achille de tout collectif. Une journée par trimestre est également prise pour faire le point. « Il faut s'obliger à sortir la tête de son atelier pour voir ou en sont les autres » explique Frédéric, « on s'organise pour partager le travail mais aussi d'autres moment ». Ainsi le repas du midi est pris en commun et le collectif se retrouve une soirée par semaine pour faire de la musique. Les soirées sont réservées à des moments personnels, comme le rappelle Christophe « il faut s'imposer une discipline pour ne pas se noyer dans le collectif ».

Trois associés habitent sur les terres de la ferme, dans des constructions écologiques. Frédéric habite au village, à deux kilomètres de là. Le collectif a été à l'origine de la création d'une association culturelle, Les Campagnons, qui a permis de tisser un lien avec les habitants du village. La ferme se veut être un lieu ouvert à l'apprentissage et de nombreuses personnes restent parfois plusieurs mois pour réfléchir et se former. Ainsi Jean-Baptiste qui, après avoir partagé la vie du collectif pendant trois mois va partir avec des amis à la recherche de terres pour développer un nouveau collectif agri-culturel. « Tant mieux si nous pouvons en inspirer d'autres en montrant que notre projet est viable », explique Cédric, « c'est une formidable aventure et nous avons pensé à la transmission de cet outil, avec la SCI il est facile de renouveler un associé qui désire partir. L'avantage de notre lieu c'est qu'il attire beaucoup de monde et qu'il ne sera donc pas impossible de trouver des candidats à la succession dans le même esprit. Nous avons également la possibilité d'accueillir d'autres activités sur la ferme, par exemple un autre atelier d'élevage. Pour l'instant nous avons besoin de temps pour nous mettre en place à quatre, après on verra ». Une chose est sûr c'est que ce type de système collectif attire d'autres porteurs de projets dans la région, le GAEC de la Corbionne permet de montrer que ces projets innovants peuvent être viables et qu'ils apportent beaucoup au territoire local.

4 commentaires:

  1. c'est une jolie description les amis!
    Que votre voyage soit beau et enrichissant
    a bientot
    marco

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  2. Trés bien écrit.Je passerai prochainement acheter du miel.Quand je pense qu' avec cette méthode et un retour à des fermes familiales de quelques hectares on pourrait donner une place à des millions de gens en France.......
    Bonne continuation
    Sylvain Merézette (qui a grandi à Moutiers au Perche)

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  3. quoi dire si ce n'est chapeau car vous semblez vous abstraire des idéologies qui rongent beaucoup de collectifs. Cela me fait penser à des expériences de vie en commun au sein de mouvement comme les catholic workers d'inspiration personnaliste aux etats unis et dont la fondatrice dorothy day d'origine anarcho syndicaliste est très peu connu en france même si peter maurin un de ses collaborateurs était d'origine francaise. Mais peu importe, je crois que le plus important dans tout collectif qui se veut honnête avec la réalité (celle ci ne pardonnant pas le refus d'exister qu'on lui oppose) est de respecter la singularité de chacun. Celle ci étant la base de toute vie partagée. Sinon le risque de tomber dans les désirs mimétiques est très présent.Cela me donne du courage et de l'énergie à entreprendre de vivre différement que le modèle nivelée et vampirisée par le refus de voir des processus d'individuation émerger dans une standardisation galopante qui nie la singularité des personnes. Des expériences comme findhorn en écosse, christiana à copenhague ou bcp plus proche en manche chez un producteur de tomme de vaches canadienne me donnent envie de venir vous rencontrer. Amitiés à vous. Régis

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